La justice restaurative… Et en France ?
Note rédigée par Alain Chalochet
Une idée du contexte international d’abord : depuis plusieurs années diverses institutions internationales soulignent l’intérêt de la justice restaurative ou réparatrice, et l’importance de la mettre en place, tout en laissant à chaque pays la liberté des modalités choisies. Il s’agit de l’ONU (résolution de l’Assemblée générale 4-12-2000), du Conseil de l’Europe, conférence des ministres européens de la justice 7-4-2005), du Parlement et du Conseil européen (directive du 25-10-2012).
Depuis la loi du 15 Août 2014 qui est venue modifier le code de Procédure Pénale [Articles 10-1, 10-2 et 707-4] en ce sens, la justice restaurative est bien prévue dans la législation française. En voici le libellé précis dont tous les éléments sont importants :
« A l’occasion de toute procédure pénale et à tous les stades de la procédure, y compris lors de l’exécution de la peine, la victime et l’auteur d’une infraction, sous réserve que les faits aient été reconnus, peuvent se voir proposer une mesure de justice restaurative. Constitue une mesure de justice restaurative toute mesure permettant à une victime ainsi qu’à l’auteur d’une infraction de participer activement à la résolution des difficultés résultant de l’infraction, et notamment à la réparation des préjudices de toute nature résultant de sa commission. Cette mesure ne peut intervenir qu’après que la victime et l’auteur de l’infraction ont reçu une information complète à son sujet et ont consenti expressément à y participer. Elle est mise en œuvre par un tiers indépendant formé à cet effet, sous le contrôle de l’autorité judiciaire ou, à la demande de celle-ci, de l’administration pénitentiaire. Elle est confidentielle, sauf accord contraire des parties et excepté les cas où un intérêt supérieur lié à la nécessité de prévenir ou de réprimer des infractions justifie que des informations relatives au déroulement de la mesure soient portées à la connaissance du procureur de la République. »
Une circulaire du 15 mars 2017 relative à la mise en œuvre de la justice restaurative est venue préciser et parfois renforcer le dispositif prévu et elle était déclarée applicable immédiatement.
Quelques points spécifiques
L’autonomie de la mesure de justice restaurative par rapport à la procédure pénale est affirmée. Ainsi, « quel que soit le déroulement de la mesure, son succès ou son échec restent sans incidence sur la réponse pénale. La procédure se poursuit en parallèle, même si, en pratique, la mesure peut indirectement faciliter l’exécution de la réparation ou influer positivement sur l’exécution de sa peine. »
« Cette autonomie implique une imperméabilité entre les deux dispositifs. La confidentialité de la mise en œuvre de la mesure est assurée par l’absence de pièce relative à la mesure de justice restaurative dans le dossier pénal, pour éviter tout risque d’influence sur la décision de poursuite, le prononcé de la peine, le montant des dommages-intérêts ou l’octroi d’aménagements de peine. Seule la mention de la proposition d’une telle mesure peut être versée au dossier, sans autre élément. »
« La loi garantit la confidentialité des échanges. Si l’autorité judiciaire est informée de la mise en place d’un dispositif de justice restaurative et peut avoir connaissance des personnes qui y participent, aucun écrit sur la teneur des échanges ne peut lui être transmis, sauf accord des deux parties ou si un intérêt supérieur le justifie. »
Les conditions préalables indispensables à la mise en œuvre de la mesure sont rappelées :
+ La reconnaissance des faits par les auteurs
+ L’information complète des victimes et des auteurs sur la mesure
+ Le consentement exprès des victimes et des auteurs
Un Comité national de la justice restaurative est mis en place chargé d’évaluer la pertinence des formations proposées et d’expertiser les formations et les expérimentations en cours.
Enfin des annexes présentent :
+ les exemples de mesure de justice restaurative qui peuvent être pratiquées : rencontres condamnés-victimes et rencontres détenus-victimes (rencontres de groupe de victimes et d’auteurs concernés par le même type de fait), cercle de soutien et de responsabilité et cercles d’accompagnement et de ressources (pour les auteurs d’infractions à caractère sexuel), la médiation restaurative ou auteur/victime (avec la victime et « son » auteur), la conférence restaurative ou de groupe familial (avec la participation de proches susceptibles d’apporter un soutien), le cercle restauratif (situations ne permettant pas d’engager l’action publique mais offrant un espace de parole).
+ La convention de partenariat pour la mise en place de ce type d’actions
+ Le formulaire de recueil du consentement des personnes
+ Les organismes reconnus pour dispenser les formations aux intervenants.
Le constat actuel
Le constat général qui peut être fait à ce jour est que la justice restaurative est très peu mise en pratique, ceci alors que d’autres pays développent activement des pratiques de ce type, Belgique en Europe, Brésil, Nouvelle-Zélande particulièrement dans la justice pour enfants.
Quelles sont les raisons de ce retard ?
+ Son introduction récente dans notre réglementation certainement ;
+ Sa faible insertion dans notre culture judiciaire ;
+ La faiblesse des moyens mis en place par le ministère de la Justice ;
+ Mais aussi la réalisation récente de formations et donc le très petit nombre de tiers aptes à mettre en œuvre le processus ;
+ Les réticences de certains partenaires professionnels ou les limites qu’ils donnent à cette offre spécifique ;
+ La méconnaissance quasi absolue dans le public de l’existence de la justice restaurative et des diverses possibilité qu’elle offre. C’est certainement là le point premier, sur lequel l’accent doit être mis en priorité.
En réalité, il ne s’agit à ce jour dans notre pays que d’expériences menées par des pionniers, dans quelques régions dont la région lyonnaise, mais à une faible échelle et dont il faudrait qu’elles soient connues de la société française.